De la survie à l’évolution (13/03/2021)
Voilà une distinction qui m'est très chère. On a tous entendu un jour ou l'autre cette objurgation: "Le monde est ainsi, faut t'adapter!" ou encore: "Les autres le font bien!" Personnellement, quand j'entends ce genre d'apostrophe, j'ai les poils qui se hérissent. D'une part, c'est un appel au conformisme et à la démission de soi. D'autre part, cela me fait penser à la phrase de Krishnamurti: "Ce n'est pas un signe de bonne santé mentale que d'être bien adapté à une société malade".
L’adaptation est le processus par lequel un organisme trouve et exploite dans son environnement une réponse à ses besoins. Si cet environnement change, le processus d’adaptation doit être actualisé afin que l’organisme retrouve ses équilibres vitaux.
On peut distinguer, en simplifiant, deux formes de processus d’adaptation:
- « en survie » si l’organisme, dans son effort pour survivre, s’appauvrit et se renie ;
- « en évolution » si le processus l’amène à se dépasser pour trouver de nouveaux équilibres satisfaisants.
Un exemple historique
Revenons aux évènements de juin 1940. Quoique de même formation militaire et avec la même expérience de la guerre, Philippe Pétain et Charles de Gaulle s’opposent sur les perspectives de la situation. Le maréchal ne voit que la débâcle: il faut sauver les meubles en pactisant avec Hitler. Il en découlera ce que l’on a appelé la Collaboration et une occupation du territoire de plus en plus étendue. C’est une adaptation en survie, car le présent est géré au détriment de l’essentiel et du long terme.
Pour Charles de Gaulle, rien n’est perdu: il voit et il imagine les ressources qui permettent de continuer le combat. Elles sont au delà des frontières de la métropole et, aussi, elles viendront de l’avenir: en se mondialisant, le conflit entraînera l’engagement de « l’immense industrie » des Etats-Unis.
L’objectif de de Gaulle n’est pas seulement la libération du territoire. Il veut que la France soit représentée par la Résistance et non par la Collaboration, afin qu’à la Libération elle conserve la légitimité de se gouverner elle-même. Il s’appuie sur ce qu’il y a de plus précieux à sauver. C’est la recherche d’une adaptation en évolution.
Une phase d’adaptation en survie - un « repli stratégique » - peut être nécessaire dans certaines situations, mais il ne doit s’agir que d’une stratégie de transition vers l’adaptation en évolution. Affirmation ou reniement de soi sont la pierre de touche de la problématique.
La créativité stratégique
Sous stress, le champ de nos perceptions se réduit, nous sommes enclins à penser et agir de manière stéréotypée, à puiser dans des modèles de réaction simples et dans des actions répétitives. Ce sont les célèbres « trois F » - fly, fight, freeze: fuir, se battre, s’immobiliser. Or s’adapter à un environnement qui a changé relève d’une ré-ingénierie de nos réflexes. L’adaptation en évolution nécessite la créativité. Ceci vaut pour les nations comme pour les entreprises, les groupes ou les individus.
07:00 | Tags : gestion de soi, survie, évolution | Lien permanent | Commentaires (5)
Commentaires
Il y a souvent un Petain et un de Gaulle qui dialoguent ou sont en conflits en nous ;
Dans mon courant de Psychothérapie , nous parlons volontiers " d"ajustement conservateur" et" d'ajustement créateur", termes labellisés par Serge Ginger, qui disent les moments adaptés. C'est la vie qui doit gagner.. En fin de "conte" disait Raymond Devos
Je valide l'argumentaire de Thierry et j'adresse mes encouragements à tous les créatifs
Marie-Françoise Bonicel
Écrit par : Marie-Françoise Bonicel | 13/03/2021
Écrit par : Thierry | 14/03/2021
Sur le sujet de s'adapter, suivre notamment Barbara Stiegler sur https://www.franceculture.fr/personne-barbara-stiegler.html et par exemple sur : https://www.youtube.com/watch?v=uSSFmNHgJQQ // Merci Thierry
Écrit par : Pierre Clause | 13/03/2021
Voir aussi sa passionnante interview sur Thinkerview : https://youtu.be/uSSFmNHgJQQ
Écrit par : Lionel Ancelet | 14/03/2021
Merci à tous les trois de vos enrichissements, c’est jubilatoire de vous lire. Je ne connaissais pas Serge Ginger! En revanche, je connais Barbara Stiegler par ses vidéos, c’est une valeur sûre. J’ai eu l’avantage de faire intervenir son père qui avait aussi une profondeur d’analyse remarquable.
Écrit par : Thierry | 14/03/2021