A la recherche de soi : expérience d’une mise en abyme  (10/03/2021)

A l’origine de mes parcours Autotélos, il y a un groupe expérimental, huit volontaires qui, au début de années 2010, ont testé ce qui s’appelait alors « Demain la vie ». Sans eux, les parcours Autotélos n’auraient pas vu le jour. Vous trouverez ci-dessous, extrait de la revue Commencements, leur retour d’expérience.

J’en profite pour renouveler ma gratitude à  Armelle, Cécile, Claude, Christine, Estelle, Isabelle, Jérôme et Marie-Jo. J’ajoute des mentions particulières:

- la première pour Isabelle; sans son aimable harcèlement, « Le club des cinq trente ans après » serait peut-être resté au fond d’un tiroir; au surplus, Isabelle est devenue la première animatrice d’Autotélos; 

- pour mon vieux complice Claude qui, avec la bienveillance efficace qu’on lui connaît, a pris le risque d’animer ce groupe expérimental - et quelques autres depuis lors;

- pour Christine, devenue la spécialiste du parcours « Cap Senior »;

- enfin pour Estelle qui, ne reculant devant rien, vient à nouveau de participer à un groupe expérimental.

Je renouvelle aussi mes remerciements à Frédéric Lebihan qui nous a accueillis amicalement dans les locaux de son Ecole Française de l'Heuristique. 

I. L’ORIGINE

Thierry : J’avais suivi avec Isabelle les séminaires d’André Conraets, le fondateur de la « pédagogie éclosive ». Cette pédagogie s’appuie sur un récit dans lequel le lecteur peut se projeter. Cela m’a donné envie d’écrire une histoire. L’argument du récit s’est cristallisé de lui- même autour des imprévus de la vie. Depuis longtemps, j’avais été frappé par la façon dont beaucoup d’évènements qui, après coup, nous apparaissent prévisibles, nous prennent au dépourvu. J’avais été frappé aussi par deux autres choses. D’une part, les effets aussi dévastateurs qu’inattendus du départ en retraite sur certains de mes amis alors même que ce départ était ardemment attendu. D’autre part, à l’inverse, pour peu que nous entrions dans le jeu, la manière dont un évènement que nous aurions préféré ne pas connaître nous ouvre souvent des chemins bien plus bénéfiques que ceux sur lesquels nous aurions voulu rester. Alors, dès les premières lignes, autour de cinq personnages très différents, trois hommes et deux femmes, l’histoire a été une histoire d’imprévus et de relation des êtres humains aux surprises de la vie. 

Marie-Jo : Je revois Isabelle, sur ma terrasse provençale. Elle passait quelques jours chez moi. Elle feuilletait ce mystérieux document en poussant des exclamations. J’ai fini par lui demander ce que c’était ! 

Isabelle : Thierry m’avait donné à lire l’histoire de ses personnages – à l’époque, le nom de code, c’était « Le club des cinq trente ans après » - et j’avais été séduite. Comme il l’avait rangée dans un tiroir, que je trouvais cela dommage et que les circonstances de ma vie me donnaient envie d’en faire l’expérience, je lui avais proposé de la ressortir et de faire tester le parcours par une poignée de complices. Frédéric Le Bihan nous a aimablement prêté une des salles de l’Ecole française de l’heuristique, et Claude, qui a été formé à l’animation de groupes selon la méthode d’André Coenraets, a bien voulu nous coacher... 


II. POURQUOI ? 

Isabelle : J’avais envisagé l’expérience comme une sorte de rite d’initiation à « autre chose ». Comme je l’ai dit, c’était ce dont j’avais besoin dans la période de transition que je vivais. 

Armelle : En ce qui me concerne, j’étais dans le contexte d’une rupture difficile de mon précédent emploi et dans l’objectif de rebondir rapidement, vers un futur emploi « choisi » et non subi. J’avais besoin de donner du temps au temps pour envisager mon avenir. 

Cécile : Moi, ce qui m’a donné envie de faire cette expérience, c’est Marie-Josée qui m’a dit : « Allez, viens ! » Elle m’a prévenue que c’était une approche narrative et, comme j’aime les histoires, cela a suffi à déclencher ma curiosité. 

Marie-Josée : Venu « l’âge mûr », comme on dit, j’ai été attirée à titre personnel par l’idée d’explorer les interrogations spécifiques à cette période de vie, qui peuvent émerger dans tous les domaines. A titre professionnel, en tant que consultante, j’ai aussi pressenti que cette proposition pouvait répondre à un besoin des organisations vis-à-vis d’une population encore active et dynamique et néanmoins à quelques années de la retraite. 

Christine : Approchant du départ en retraite, je pensais aux multiples facettes d’une vie future, d’un projet de vie à bâtir, sans minimiser les surprises qu’il peut recéler... 

Jérôme : La joie de mon métier, c’est de contribuer à la croissance et à l’épanouissement des hommes et des femmes au sein de l’entreprise. Je suis entré dans ce parcours avec une curiosité de professionnel et je me suis retrouvé, en fait, dans une aventure personnelle. A quarante-sept ans, je n’ai pas la préoccupation d’un changement de vie tel que la retraite, mais le parcours s’est parfaitement adapté à d’autres problématiques, comme ce tournant que représente la cinquantaine, quand on est toujours passionné par son travail tout en étant à la recherche de nouveaux équilibres et d’un sens plus profond. 

Estelle : Je suis encore plus loin que Jérôme du départ en retraite. Mais on évolue, le travail évolue, l’entreprise évolue, et je me posais des questions sur des orientations à prendre. Après avoir vécu le parcours, je dirai que c’était une invitation au voyage, au voyage de la découverte de soi, en toute sérénité et confiance grâce à un accompagnement bienveillant de l’autre, qu’il soit un personnage de l’histoire, un membre du groupe ou l’animateur. 

 

III. LE PROCESSUS 

Claude : Il faut préciser que ce n’est pas qu’une histoire à lire. D’abord, chaque épisode est assorti de questionnements et d’outils pour réfléchir, pour analyser les comportements des personnages et, à travers les situations présentées par l’histoire, pour regarder en fait sa propre vie, ses propres réactions. Cette lecture, ces réflexions, chacun les fait d’abord chez soi et pour lui- même. Mais, ce qui est déterminant, c’est que cela ne reste pas un travail solitaire. Une fois chaque épisode étudié par chacun, le groupe s’est réuni et a passé une matinée à partager ses trouvailles et ses interrogations. C’est là que, grâce à un protocole qui donne la parole à chacun dans un espace sécurisé dont j’étais le garant, l’expérience et le regard des uns et des autres s’enrichissait mutuellement. Au fond, tel que je l’ai vécu, l’histoire et les outils permettent d’extraire un maximum de richesse de chacun pour la mettre à la disposition de tous. Après, au cours des matinées en commun, il y a le brassage qui engendre des découvertes, des avancées, de nouvelles questions. 

Marie-Josée : Le parcours avec le groupe, pour moi, a été une ruche : des abeilles qui se posent des bonnes questions sur la manière de vivre le changement, qui butinent et partagent le fruit de leurs découvertes. « Cross-pollinization ! » 

Christine : Les thèmes rencontrés au détour des histoires vécues par les personnages nous invitent à un voyage en nous-mêmes parmi nos désirs profonds, nos sources de stimulation, nos éléments de sécurité indispensables et nos facultés d’adaptation. 

Cécile : J’ai adoré le foisonnement d’approches, d’outils, de références, de concepts distillés au fil de l’histoire. On fait son marché, je dirais même plus : on fait son supermarché. Avec le caddie ! 

Jérôme : J’ai beaucoup aimé les « exercices » à faire entre les sessions. J’ai beaucoup aimé aussi le principe du scénario : une fois achevée l’étude d’un épisode, il me tardait de retrouver les personnages ! 

Armelle : Le partage dans la bienveillance avec les autres membres du groupe, dans l’esprit de « donner – recevoir », est d’autant plus nourrissant et enrichissant que la confiance a permis à chacun, au bout particulièrement d’un moment, d’en dire plus, et ce plus a fait la différence par vivante. rapport à un échange ordinaire ”. 

 

IV. LE VÉCU

Isabelle : Ce parcours a été le fruit d’échanges passionnants dont je regrette qu’ils ne puissent être toujours aussi féconds dans la vie de tous les jours. Ce sont des moments où je me suis sentie particulièrement vivante. Un des « outils » les plus puissants pour moi a été le modèle des motivations psychologiques de Robert Ardrey. Lorsque j’en ai lu la brève présentation dans les annexes du premier épisode, cela a été pour moi comme une illumination. Les repères n’étaient pas à chercher à l’extérieur, mais en moi : c’étaient mes besoins d’identité, de sécurité et de stimulation. 

Armelle : Le plus fécond pour moi a été ce qui touche au lâcher-prise et la distinction que fait Robert Ulanowicz entre performance et résilience. Les expériences autour de « l’instabilité choisie » m’ont aussi permis de rouvrir le champ des possibles et d’aller à la cueillette d’idées nouvelles. 

Jérôme : J’ai trouvé que le rendez-vous, entre les sessions, avec un autre membre du groupe, sur une problématique choisie où l’on doit s’entraider, était crucial. D’abord, évidemment, on s’oblige à faire son travail en prévision de l’entretien. Pour aider l’autre, il faut avoir fait ce travail préalable. Ensuite, l’échange entre deux intelligences différentes permet de construire la compréhension des questions posées ou des choses à faire. 

Cécile : Pour moi aussi, l’exercice le plus éclairant a été celui de la carte des besoins psychologiques – sécurité, identité, stimulation. Je m’y réfère tous les jours... 

Estelle : Je crois que ce qui m’a le plus apporté, comme pour Armelle, c’est l’expérience de l’instabilité choisie. C’est une source d’appréhension, mais en même de temps de grande satisfaction une fois l’objectif atteint. La découverte, aussi, de l’existence du petit canard qui vient saper la confiance m’a permis d’instaurer un dialogue avec ce coincoin pour mieux appréhender et exploiter positivement les situations. Enfin, la matrice SDAA (supprimer, diminuer, augmenter, ajouter), que je rejetais de prime abord, m’a permis de matérialiser le fait de sortir du cadre. 

Christine : Où je me suis sentie le plus interpelée, c’est sur les thèmes de la vie de 
couple, du rapport aux autres, du deuil d’un passé, de l’utilité sociale... Ce que j’ai trouvé puissant, c’est la confrontation répétée entre l’introspection, guidée par l’apport de notions et de concepts, et des situations concrètes. C’est ce va-et-vient permanent, stimulé et repris par la contribution permanente du groupe, qui est riche. Il ouvre un horizon qu’on a toujours tendance à poser trop près de soi. Se voir dans le regard des autres et être en empathie pour les comprendre, c’est une mise en abyme extraordinaire. Je n’ai pas vécu un processus linéaire. Au fur et à mesure du déroulement, certains chapitres nécessitent de revenir en arrière, de visiter des réflexions précédentes avec un nouvel éclairage, de les approfondir et de les mettre en résonance voire en cohérence avec d’autres éléments. A la fin, on quitte les personnages, mais on sent bien que le voyage en nous- mêmes est loin d’être terminé. 

 

V. EN RÉSUMÉ ?

Claude : Dans mon rôle d’animateur, astreint comme vous l’aurez compris à la réserve, la surprise et la joie ont été de voir que nos amis oubliaient très vite qu’ils testaient le parcours pour le vivre complètement et, souvent, très intensément, en en retirant au surplus des bénéfices. 

Christine : Cela prépare à tout type de changement, qu’il soit prévu ou imprévu, car cela permet d’aller puiser en soi ce qui est immanent. C’est du développement de soi. 

Estelle : Comment magnifier sa vie ? En faisant de l’imprévu le plus riche des voyages à la rencontre de soi même. 

Cécile : Lorsque je fais le bilan de cette période, je réalise que, par petites touches, il s’est passé plein de choses fertiles dans ma vie, débouchant in fine sur une nette clarification de mes projets professionnels, l’apaisement dans mon couple, et une nouvelle énergie. 

Jérôme : C’est un parcours d’approfondissement de soi. 

Isabelle : Je dirais que c’est une aide à la transformation de soi... 

Marie-Josée : J’en ai retiré un renforcement du sentiment d’urgence qu’il s’agit de vivre maintenant. Il ne faut pas remettre à demain ce qui peut être essentiel pour soi, pour les autres. Faut-il encore le clarifier, cet essentiel, et c’est ce que permet ce parcours. Comme disent les anglo-saxons : « tomorrow is another day »... Demain est un autre jour. Alors cueillons le jour d’aujourd’hui ! C’est une attitude, un état d’esprit à cultiver pour en tirer les fruits... C’est sans doute cela, l’âge mûr... Et c’est du concret !!! 

Armelle : Oui, la question posée, c’est : comment atteindre la plénitude de sa vie ? 

 

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