L’auto-formation existentielle* (21/04/2021)

Il s'agit ici de notre capacité à nous développer nous-même dans notre frottement au réel. Une grande partie de nos apprentissages, la plus vitale en fait, échappe à notre attention, car elle n'est pas formalisée, elle n'a ni programme, ni maître, ni salle de classe. Cette capacité fait pourtant la différence entre subir et devenir. Nous pouvons subir passivement et c'est la fin de l'histoire. Nous pouvons subir et réagir de manière réflexe, cela peut paraître mieux mais ne nous conduit qu'à une répétition mécanique. L'auto-formation existentielle nous libère de ces pièges. Son amorce est la curiosité, le besoin de comprendre. Elle fait de nous des stratèges et des auteurs de notre vie. 

Chacun d’entre nous possède un soi profond qu’il ne peut connaître directement, mais qui se révèle grâce à une sorte de dialogue, éclairé par l’introspection, avec les évènements de son existence. Ce soi est une présence au monde, un regard, une sensibilité, un potentiel de vies possibles, qu’il s’agit de dégager des déterminations sociales - historiques, familiales, scolaires, professionnelles, etc. - de sorte qu’il puisse exprimer ce qu’il recèle.


L’auto-formation existentielle est un processus de ré-appropriation de soi, un apprendre à être et à devenir dont chacun est l’initiateur pour lui-même. Le point de départ, parfois, est un de ces moments où le monde que nous nous représentons, la vision de l’avenir sur laquelle nous nous appuyons vacillent et se dérobent. Dans ces moments-là, même ce que nous prenions pour notre identité semble frappé d’inconsistance. Une porte peut alors s’entrouvrir sur une quête de soi, que nous pousserons ou ignorerons. Cette quête est d’autant plus essentielle aujourd’hui qu’être soi court le risque de s’égarer dans les travestissements et les selfies de la société du spectacle (1).


Dans la dynamique de l’auto-formation existentielle, trois processus se combinent qui, à l’instar des instruments d’un jazz band au cours d’une improvisation, s’influencent l’un l’autre et dialoguent de manière non-linéaire: l’appropriation, l’individuation, l’émancipation.


Appropriation

L’appropriation par le vivant de son pouvoir de se former lui-même est la source de l’auto-formation existentielle. Il s’agit non plus d’être les acteurs éventuellement talentueux d’un scénario écrit par d’autres, mais d’écarter les références extérieures qui nous dissimulent plus ou moins à nous-mêmes pour devenir les auteurs d’une histoire vivante: la nôtre.

Individuation

L’individuation est le processus de création et de différenciation de l’individu décrit par Carl Gustav Jung. L’individuation est différente de l’individualisation qui conduit à n’être qu’une unité, à la fois parmi d’autres et coupée des autres.

Emancipation

Le processus de prise de conscience émancipateur est le moment où, soudainement, dans notre conscience, quelque chose se produit.

 

* Cette note s’inspire particulièrement de Gaston Pineau, Produire sa vie, Auto-formation et autobiographie, L’Harmattan, 1983.

1. Cf. Jean Baudrillard, La transparence du mal, Essai sur les phénomènes extrêmes, éditions Galilée, 1990.

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