La Rose des Vents: 3. Le processus de décision (24/06/2021)
Nous sommes tous passés par cette situation où notre esprit se renvoie la balle à lui-même. Les meilleures décisions que nous parvenons à concevoir sont désespérément accompagnées d'un "oui, mais..." Comme me le faisait remarquer un ami, c'est souvent sur des décisions mineures que nous hésitons le plus: la couleur d'un papier-peint, le programme TV du soir, le choix du hors-d'oeuvre sur la carte du restaurant. En revanche, par exemple, s'engager avec quelqu'un se fera sur une impulsion sans établir un tableau pour / contre. Le professeur Berthoz, dans son livre "La décision", estime que nos décisions se prennent en nous avant même que nous en ayons conscience. Si l'on ratiocine, c'est comme on dit "qu'on ne le sent pas".
Un paradoxe caractéristique*
« Un paradoxe caractéristique du processus de décision est de devoir rester cohérent avec ses valeurs personnelles tout en s’accordant la flexibilité nécessaire au choix le plus approprié en fonction de la situation à gérer. »
Notre vie est un flux continuel de décisions, petites ou grandes. Le mot évoque l’idée d’un processus rationnel, lucide, alors que beaucoup d’entre elles sont prises sans même que nous y pensions et que, fussent-elles bien pesées, beaucoup des ressorts qui sont mis en oeuvre en nous n’arrivent pas à notre conscience. Andreu Solé a montré, par exemple, qu’un premier filtre inconscient réduit le champ de nos décisions envisageables: ce que, sans réfléchir, nous classons comme possible, impossible ou non-impossible. Ce filtre concerne à la fois notre représentation du monde et ce que nous pensons de nous-même. D’où les « cygnes noirs »** et la phrase de Mark Twain: “Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait.” Si la théorie avait prévalu, selon laquelle le plus lourd que l’air ne pouvait voler, qui se serait risqué à construire un avion ?
Un autre paradoxe de la décision est l’impossibilité, au sein d’un système complexe, d’avoir accès à toute l’information et, à partir d’un certain niveau d’investigation, d’avoir même la capacité de gérer tous les paramètres. Un système est d’autant plus complexe qu’il comporte du vivant et de l’humain. Par nature, une décision qui impacte un système complexe, combien ait-elle été préalablement pensée, peut engendrer et engendrera des effets inattendus. Une décision identifiée comme telle n’est donc qu’un moment d’un flux. Au moment où on la prend, on peut la considérer comme bonne, on a fait de son mieux pour qu’elle le soit. Mais c’est une fois que l’action qui en découle est engagée qu’il faudra faire en sorte qu’elle reste bonne.
De Waele et alii distinguent huit points critiques dans le flux de décision, chacun d’eux pouvant être le lieu d’un blocage:
- la connaissance de nos besoins, biologiques, psychologiques,
- y compris la signification que nous donnons à la vie;
- la traduction de ces besoins en désir et volonté d’agir;
- l’orientation qui en résulte;
- notre ouverture aux informations de toute sorte, leur recherche active ;
- l’éventail de choix concrets que nous pouvons tirer des informations ;
- nos valeurs personnelles comme critère du choix final ;
- le passage à l’action.
* D’après Martin de Waele, Jean Morval et Robert Sheitoyan, Self management in organizations, Hogrefe & Huber Publishers, 1993.
** Nassim Nicholas Taleb, Le Cygne noir, Les Belles Lettres, 2008.
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