Cap au largeLe blog du développement existentiel2024-02-14T10:45:54+01:00All Rights Reserved blogSpiritblogSpirithttp://capaularge.blogspirit.com/Thierryhttp://capaularge.blogspirit.com/about.htmlCréer du manquetag:capaularge.blogspirit.com,2024-01-31:33539562024-02-01T08:06:43+01:002024-01-31T10:32:00+01:00 Tous les efforts de notre espèce, depuis la nuit des temps, tendent à...
<p><em>Tous les efforts de notre espèce, depuis la nuit des temps, tendent à combler les manques qu’elle ressent, qu’ils soient matériels ou psychologiques. Il en est de même pour nous tout au long de notre vie personnelle.<span class="Apple-converted-space"> </span>Alors, pourquoi proposer de créer du manque ?</em></p><p><em>Le manque est ce qui nous fait bouger et éventuellement réfléchir. Le manque de sécurité, de lumière, de chaleur, nous a fait inventer le feu. Encore faut-il prêter l’oreille au manque. Y a-t-il de la place, dans nos vies, et singulièrement dans une vie qui comme beaucoup aspire à une bifurcation, pour accueillir un manque qui pourrait être créateur ?</em><span class="Apple-converted-space"> </span></p>
Thierryhttp://capaularge.blogspirit.com/about.htmlLes questions font avancertag:capaularge.blogspirit.com,2024-01-02:33527642024-01-02T11:38:24+01:002024-01-02T10:26:00+01:00 "Les questions font avancer, les réponses font camper." Théodore Monod.
<p>"Les questions font avancer, les réponses font camper." Théodore Monod.</p>
Thierryhttp://capaularge.blogspirit.com/about.htmlJe vous souhaite...tag:capaularge.blogspirit.com,2024-01-01:33527452024-01-01T08:35:00+01:002024-01-01T08:34:00+01:00 « Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir. Et l’envie furieuse...
<p><span style="font-size: 14pt;">« Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir.</span><br /><span style="font-size: 14pt;">Et l’envie furieuse d’en réaliser quelques-uns.</span><br /><span style="font-size: 14pt;">Je vous souhaite d’aimer ce qu’il faut aimer,</span><br /><span style="font-size: 14pt;">et d’oublier ce qu’il faut oublier.</span><br /><span style="font-size: 14pt;">Je vous souhaite des passions.</span><br /><span style="font-size: 14pt;">Je vous souhaite des silences.</span><br /><span style="font-size: 14pt;">Je vous souhaite des chants d’oiseaux au réveil,</span><br /><span style="font-size: 14pt;">et des rires d’enfants.</span><br /><span style="font-size: 14pt;">Je vous souhaite de respecter les différences des autres parce que le mérite et la valeur de chacun sont souvent à découvrir</span><br /><span style="font-size: 14pt;">Je vous souhaite de résister à l’enlisement,</span><br /><span style="font-size: 14pt;">à l’indifférence</span><br /><span style="font-size: 14pt;">et aux vertus négatives de notre époque.</span><br /><span style="font-size: 14pt;">Je vous souhaite enfin de ne jamais renoncer à la recherche, à l’aventure, à la vie, à l’amour,</span><br /><span style="font-size: 14pt;">car la vie est une magnifique aventure et nul de raisonnable ne doit y renoncer sans livrer une rude bataille.</span><br /><span style="font-size: 14pt;">Je vous souhaite surtout d’être vous, fier de l’être et heureux,</span><br /><span style="font-size: 14pt;">car le bonheur est notre destin véritable. »</span></p><p>Voeux de Jacques Brel le 1er janvier 1968. </p>
Thierryhttp://capaularge.blogspirit.com/about.htmlE952Etag:capaularge.blogspirit.com,2023-09-02:33475632023-09-02T22:09:41+02:002023-09-02T22:09:41+02:00 Ces derniers mois, après avoir passé soixante-quinze ans, je me suis...
<p><span style="font-size: 14pt;"><em>Ces derniers mois, après avoir passé soixante-quinze ans, je me suis demandé ce que j'aimerais transmettre avant de partir - sous réserve que Dieu m'en donne le temps. Il se trouve qu'un de mes bons amis - le même qui m'avait offert à point nommé "La vie commence à soixante ans", de Bernard Ollivier - me fit alors partager sa découverte de l'association Philotechnique. Dans une chronique que je cite plus bas, j'avais tenté d'accoucher d'une réponse à mon questionnement. Ces deux fils que le hasard avaient fait se croiser se lièrent pour devenir un projet de cours que je présentai à la responsable des programmes de l'Association, qui le mit au catalogue. On reconnaîtra peut-être là un écho d'une précédente chronique de Cap au Large: dessiner une porte. </em></span></p>
Thierryhttp://capaularge.blogspirit.com/about.htmlVacances, rêves et libertétag:capaularge.blogspirit.com,2022-07-13:32717462023-08-19T13:53:49+02:002023-08-19T18:06:00+02:00 La période des vacances est le moment de nous extraire de la gangue que...
<p><br /><em>La période des vacances est le moment de nous extraire de la gangue que forment les multiples pressions de notre quotidien. Elle favorise la remise en question du mode de vie qui façonne le reste de notre année, ainsi qu’une écoute plus empathique des ressentis qu’habituellement nous refoulons. S’ajoutant à cela, la perspective de la rentrée et du « retour à la normale », par contraste avec ce moment de relâche, peut nous inciter parfois à envisager des changements radicaux. Offrir une bifurcation à notre vie, parce que nous sommes insatisfaits du tour qu’elle a pris ou parce que nous craignons la destination qui se profile devant nous, revient à exercer notre liberté. </em></p>
Thierryhttp://capaularge.blogspirit.com/about.htmlCette foule en noustag:capaularge.blogspirit.com,2023-07-23:33458212023-07-24T08:02:33+02:002023-07-24T07:22:00+02:00 Il ne manque pas de témoignages qui mettent en évidence le fait...
<p> </p><p>Il ne manque pas de témoignages qui mettent en évidence le fait que nous sommes intérieurement multiples. L’un des premiers est celui de saint Paul déclarant il y a près de deux-mille ans dans son épître aux Romains: « Je fais le mal que je ne veux pas et je ne fais pas le bien que je veux ». En posant l’existence de l’inconscient, la psychanalyse a acté l’existence d’une fracture radicale de notre psyché. Il y a en chacun de nous des forces qui échappent à notre conscience.<span class="Apple-converted-space"> </span></p><p> </p><p>Vous avez un jour ou l’autre vu passer sur votre écran, car elle est très populaire, une autre expression de ce fait: l’anecdote des deux loups. Elle nous viendrait des Amérindiens. Un vieil homme explique à un enfant qui est en colère contre un de ses amis que chacun d’entre nous a en lui deux loups. Ces deux loups se livrent bataille afin de prendre possession de notre âme. L’un défend la sérénité, l’amour, la générosité; l’autre, l’avidité, la peur, la haine. « Lequel l’emporte-t-il ? » demande l’enfant. « Celui que tu nourris ». <span class="Apple-converted-space"> </span></p><p> </p><p>Dans <em>The Mythic Path</em>*, Stanley Krippner et David Feinstein décrivent un autre cas de division intérieure. Ils racontent la cure d’une patiente que contrariait dans ses projets un aspect craintif de sa personnalité. Ecrivain, elle en avait fait un personnage peureux et effacé qu’elle avait surnommé « la bibliothécaire » et dont elle devait surmonter et se traîner les peurs dès qu’elle avait envie d’aventure.<span class="Apple-converted-space"> </span></p><p> </p><p>Il est pénible de vivre en hébergeant chez soi une aventurière et sa colocataire froussarde, l’une toujours prête à boucler son sac de voyage tandis que l’autre freine des quatre fers, l’une et l’autre et l’une par l’autre alternativement frustrées évidemment. Il y a, dans les Approches narratives auxquelles je fais souvent référence, une recommandation puissante: honorer les résistances. En effet, nous avons une tendance instinctive à rejeter, à nier et accabler ce qui s’oppose à nos aspirations. Mais cela ne fait que durcir et enkyster cette opposition. Il est probable que la patiente de nos psychothérapeutes n’avait jamais entendu parler de cette approche, mais son intuition l’a guidée vers la solution: reconnaître le service que sa colocataire craintive veut lui rendre et considérer qu’il s’agit là en elle de l’expression de deux énergies complémentaires.<span class="Apple-converted-space"> </span></p><p> </p><p>Intérieurement, nous serions donc bipolarisés, mais j’ai l’idée que, au moins à un certain niveau, nous pourrions être bien plus divers. Comme les graines en dormance dans le sol d'un jardin en friche, nous hébergeons des personnalités potentielles qui se développeront en fonction des variations de l’environnement, les unes jouissant pendant une saison de conditions stimulantes qui leur permettront de repousser les autres avant que les cartes soient rebattues par une nouvelle redistribution de l’espace.<span class="Apple-converted-space"> </span></p><p> </p><p>L’environnement de nos âmes est fait des interactions que nous avons avec nos semblables - y compris ceux que nous n’abordons pas directement mais à travers les oeuvres qu’ils ont laissées - et les évènements qui surgissent sur notre chemin. Par exemple, du fait d’une attraction pour le monde animal, la photographie et le film, j’avais entre autres possibles celui de devenir un cinéaste animalier. J’ai finalement passé ma vie dans les bureaux. A la différence de quelques-uns de mes amis, je ne me suis pourtant heurté à aucun interdit: simplement - <em>to make a long story short</em> -<span class="Apple-converted-space"> </span>au moment opportun j’ai manqué de stimulants et de ressources. Peut-être aussi abritais-je également une bibliothécaire peureuse ! Cela ne m’a pas empêché d’accéder à une vie professionnelle où j’ai réalisé avec bonheur d’autres de mes possibles. Mais si j’avais passé mon existence caméra au poing dans la savane, la jungle ou le désert à filmer la vie sauvage - et à supposer que j’y aurais survécu - je serais évidemment différent de ce que je suis aujourd’hui. J’aurais peut-être même choisi de planter définitivement ma tente en Tanzanie, au milieu des éléphants.<span class="Apple-converted-space"> </span></p><p> </p><p>Alors, quelles sont, dans le coin en friche de votre jardin intérieur, les plantes qui n’attendent qu’un coup d’arrosoir et un rayon de soleil pour se développer ? Que seraient pour elles l’eau et la lumière qu’elles attendent ?<span class="Apple-converted-space"> </span></p><p> </p><p>* Stanley Krippner, David Feinstein, T<em>he Mythic Path, discovering the guiding stories of your past, creating a vision for your future, </em>Putnam Book, 1997.</p>
Thierryhttp://capaularge.blogspirit.com/about.htmlLe piège bienveillanttag:capaularge.blogspirit.com,2023-07-19:33457102023-07-19T15:50:59+02:002023-07-19T14:24:00+02:00 J’ai été un enfant puis un adolescent d’une extrême timidité. A l’école et...
<p><em>J’ai été un enfant puis un adolescent d’une extrême timidité. A l’école et au lycée, je ne craignais rien tant que d’être appelé au tableau. J’avais pourtant la chance d’être doté d’une excellente mémoire. Ce ne fut d’abord qu’un épisodique inconfort scolaire, mais, jeune adulte, je me suis très vite rendu compte que la peur est le premier des obstacles à nos plaisirs et à notre réalisation existentielle. Comme tous les timides, je pratiquais beaucoup l’introspection et j’observai ainsi ce que j’appellerais aujourd’hui le cycle de vie de mes désirs. Premier temps: je ressentais l’envie de faire quelque chose et je me rêvais en train de la faire. Deuxième temps: sous différents prétextes, je différais le moment de satisfaire cette envie. Troisième temps: dans la majorité des cas, l’envie s’évaporait. </em></p>
Thierryhttp://capaularge.blogspirit.com/about.htmlDessiner une portetag:capaularge.blogspirit.com,2023-03-07:33387992023-03-08T16:58:46+01:002023-03-07T14:43:00+01:00 Vous avez peut-être déjà vu une séquence de dessin animé où un personnage...
<p>Vous avez peut-être déjà vu une séquence de dessin animé où un personnage dessine une porte sur un mur puis l’ouvre et la franchit. Parfois la vie ressemble à cela. La porte n’existe pas, il nous appartient de la dessiner. Je dis bien de la dessiner, car ce que nous appelons la réalité est une représentation de notre esprit et les portes à créer concernent cette représentation. Je viens d’en faire à nouveau personnellement l’expérience. </p><p> </p>
Thierryhttp://capaularge.blogspirit.com/about.htmlLe défi essentiel (3/3)tag:capaularge.blogspirit.com,2023-01-01:33330652023-01-01T13:54:40+01:002023-01-01T08:55:00+01:00 Les gens rationnels et qui croient à la puissance de la volonté...
<p> </p><p>Les gens rationnels et qui croient à la puissance de la volonté ont du mal à comprendre que l’on puisse ainsi s’envouter soi-même. C’est ici que les Approches narratives de Michael White (1948-2008) peuvent nous éclairer. Selon ce thérapeute australien, l’homme fonctionne grâce aux histoires qu’il se raconte. Son cerveau ne peut pas davantage se passer d’histoires qu’un ordinateur d’un logiciel d’exploitation. Ces histoires sont une création collective. Elles brodent leurs motifs à partir de ce que nous avons vécu, de ce que nous avons entendu et des interprétations que nous avons essayé de construire. Elles nous disent ce que sont le monde, la vie, les autres, le passé, l’avenir - et ce que nous sommes en tant qu’individu: chanceux ou malchanceux, valeureux ou médiocre, plein de ressources ou au contraire impuissant, digne de penser par soi-même ou devant s’en remettre à l’avis d’autorités extérieures. Dans ce tissage, on peut voir apparaître parfois de grands récits qui se mêlent à la trame d’une personne: ceux de la religion, de la tribu ou d’une mouvance philosophique. Traiter les dysfonctionnements d’une personne ou d’une communauté revient donc à s’intéresser à ceux qu’ils se racontent - ou ne se racontent pas.<span class="Apple-converted-space"> </span></p><p> </p><p>Comme je l’ai écrit dans la première partie de cette chronique, j’ai été involontairement mon propre cobaye. Une fois descendu de mon manège infernal et ayant pu prendre du recul, j’ai démêlé les fils des différentes histoires qui m’y retenaient. Deux d’entre elles y jouaient un rôle déterminant. Traumatisé par la mort précoce de mon père l’année de mes vingt-deux ans, je croyais de mon devoir de poursuivre l’activité qu’il avait créée - une façon peut-être de le maintenir en vie. En même temps, depuis une fin de scolarité calamiteuse - mais qui l’était probablement moins que je n’en avais l’impression à l’époque - je n’avais à me raconter aucune histoire de renaissance. J’étais incapable de me représenter une activité professionnelle où exprimer un talent quelconque. En passant - il me semble utile de le souligner - la force du verrouillage tenait à la combinaison de deux récits: c’est une configuration que l’on retrouve vraisemblablement dans les situations particulièrement récalcitrantes aux tentatives d’évolution.<span class="Apple-converted-space"> </span></p><p> </p><p>Je pense que plus nous sommes avancés dans une « histoirisation »* nocive, plus grand doit être le choc émotionnel qui pourra nous réveiller - qui pourra réveiller notre liberté créatrice. En ce qui me concerne, ce fut la découverte d’une tumeur à la thyroïde avec la menace d’une ablation. Dans un premier temps, je me suis vu mort. J’ai eu l’inspiration de relier l’apparition de cette pathologie à la vie de tensions, d’angoisses et d’humiliations que je menais depuis des années. Sous la forme de somatisations diverses, je n’avais pas manqué de signes annonciateurs, mais ils n’avaient pas suffi à déclencher le réflexe de survie. Comme la fameuse grenouille, je continuais de cuire dans un bouillon dont la température s’élevait. J’ai eu une chance immense. J’ai d’abord guéri « spontanément ». A partir de là, sont venues à moi les ressources dont j’avais besoin pour que la graine germe. Notamment, grâce à Suzanne Privat, une graphologue toulousaine, j’ai pu réviser les histoires que je me racontais sur mes insuffisances et dégager mes potentialités. Dans la foulée, une de mes relations me recommanda une formation continue d’un an à temps plein, à laquelle je m’inscrivis et que je terminai haut la main. L’identité que j’avais cultivée s’en trouva assainie. Alors - sans exagérer - j’ai pu m’engager dans une vie de réussites professionnelles successives.<span class="Apple-converted-space"> </span></p><p> </p><p>J’ai médité durant des années cette expérience de vie étrange. Comment avais-je pu passer de l’état d’un gibier traqué à celui de l’épanouissement ? Comment avais-je pu passer de l’exercice d’une liberté qui se confinait à des réactions de survie à celui d’une liberté créatrice ? Cependant, je croisais des personnes qui, manifestement, étaient enlisées dans leur vie comme je l’avais été dans la mienne. J’ai cherché et rassemblé un équipement théorique qui me permît de comprendre: psychanalyse, psychologie positive, approches narratives et bien d’autres. J’ai aussi eu la chance de découvrir des formes de pédagogie originales qui pouvaient m’offrir la possibilité de transmettre la substance de mon expérience. J’ai ainsi élaboré le parcours « Cap au Large » qui propose aux participants de retrouver leur liberté créatrice.</p><p> </p><p>Qu’est-ce que je mets, plus précisément, derrière cette expression de « liberté créatrice » ? D’abord, je la distingue de la liberté de choisir un menu au restaurant. La liberté créatrice nous implique vitalement. Elle est la liberté que l’on se donne de mettre au monde quelque chose d’autre que ce dont accoucherait la pure force des choses. C’est le scientifique qui bouscule la doxa, le peintre qui rompt avec l’académisme, l’ingénieur qui fait voler le plus lourd que l’air, le Résistant qui brise des chaines que l’on croyait définitives, le saint qui prêche l’amour. Parmi mes exemples historiques préférés: saint François d’Assise et l’homme du 18 juin. La liberté créatrice est reliée à notre identité profonde qu’elle contribue à densifier. Dans le premier volet de cette chronique, je posais cette question: y aurait-il donc quelque chose au dessus de la liberté, dont elle dépend ? Ce quelque chose, qui peut prendre bien des formes - la restauration de l’esprit évangélique, une certaine idée de la France, le sentiment d’une vérité à représenter - est ce qui donne à notre liberté créatrice la force d’exister et à nous celle de l’exercer.</p><p> </p><p>J’en demande pardon aux personnes que je pourrais choquer: j’ai refusé de recevoir les injections expérimentales censées enrayer le Covid. Ce n’était en rien une réaction émotionnelle. Ce n’était pas non plus choisir entre la choucroute et le cassoulet. Ce n’était pas la solution de facilité. C’était le résultat d’une appréciation. Et c’était choisir les restrictions de liberté et les brimades. C’était choisir d’être mis au ban de la société, d’être invectivé tous les jours par les vedettes des plateaux de télévision. Un exemple de ces amabilités - et il y en eut mille du même tonneau :<em>« Laisser mourir les non vaccinés serait un bon moyen de sélection naturelle »</em>.** Ne pas plier devant ces abjections devenait une question de dignité. Cela revenait à exercer ma liberté dans ce qu’elle a de profond et d’inaliénable. Pourquoi la considéré-je comme créatrice ? Parce qu’elle m’instituait en tant que sujet pensant, respectueux de sa cohérence et, à l’égard des autres, signe d'une contradiction possible au milieu d’une marée de décisions engendrées de manière mécanique par une ingénierie sociale discutable. J’aurais sans doute pu prendre un exemple moins polémique, mais il me convient d’utiliser celui-là parce qu’il me rapproche de ma conclusion où je voudrais jeter un pont entre la dimension individuelle et la dimension collective des verrouillages.<span class="Apple-converted-space"> </span></p><p> </p><p>Howard Bloom explique la nécessité pour les communautés humaines d’avoir à la fois un moteur de conformité et des « agents de diversité », des divergents. Celui-là assure le lien, une forme de stabilité, un socle commun qui nous permet de vivre ensemble. Ceux-ci maintiennent l’esprit en éveil, se méfient des croyances qui endorment, des pensées uniques qui installent leur barreaux, des navires réputés insubmersibles et des « Il n’y a pas d’autre solution ». Ils sauvegardent et représentent les solutions de rechange. Surtout, ils sont le système immunitaire d’une pensée vivante. La science elle-même ne progresse-t-elle pas, au grand dam de ses caciques, grâce à la remise en question périodique de ses consensus ?<span class="Apple-converted-space"> </span></p><p> </p><p>Michael White considérait que la société, qui est l’art de vivre ensemble, a besoin du logiciel des histoires partagées pour fonctionner. Il avait sous les yeux le sort des Aborigènes pour lesquels le gouvernement australien avait sollicité son aide: des communautés en proie à toute sorte de dérives, allant de l’alcoolisme à l’inceste en passant évidemment par la drogue et la violence. Leur problème, comprit-il, était justement d’avoir été coupées de leurs histoires par la politique de table rase culturelle des colonisateurs. Quand les ronces prospèrent, c’est que le jardin n’est pas cultivé. A l’inverse, en apparence, la gestion du coronavirus nous a donné le spectacle d’une société qui, d’un certain point de vue, a fonctionné quasiment à la perfection. Ç’aura été, en quelque sorte, le grand récit national le plus puissant depuis la fin de la première guerre mondiale, le seul qui aura suscité une telle adhésion collective, obtenu un tel embrigadement à tous les niveaux du corps social, et fait accepter autant de sacrifices, même cruels, et autant de renoncements. Cette fois, ce n’est pas un individu en proie à des représentations biaisées qui est monté sur le manège, ce sont des pays tout entiers, tétanisés par une narration qu’ils se sont appropriée. Que celle-ci soit vraie, fausse ou exagérée, n’est pas le sujet. Le sujet est la possibilité d’embarquer désormais des millions de personnes sur la seule foi d’un récit et d’images de télévision. Est-ce une voie d’évolution pour l’humanité ? Peut-on considérer que l’élevage industriel est une forme de civilisation ?<span class="Apple-converted-space"> </span></p><p> </p><p>Il est important et urgent que, tant individuellement que collectivement, nous décelions et neutralisions les récits qui nous empêchent d’exercer notre liberté créatrice. Nous en avons besoin à titre personnel, pour la satisfaction de notre propre existence, et j’oserai dire que la communauté humaine en a besoin aussi. Sans notre liberté créatrice, nous ne traverserons pas le chaos dont les prodromes sont visibles: sans relâche, les vagues médiatiques se succèdent, qui exacerbent l’anxiété, le sentiment d’impuissance, l’envie de fuir sans savoir où aller. Des spectres resurgissent, que nous croyions à jamais conjurés: les épidémies, la guerre, les pénuries, l’énergie hors de prix, l’inflation, et ce que l’on a cru impossible - la crise financière des <em>subprimes</em> - pourrait bien se reproduire.<span class="Apple-converted-space"> </span>Simultanément, les institutions et les symboles que nous avaient laissés, pour nous protéger, les générations du Front Populaire et du Conseil National de la Résistance sont remis en question. Alors que la dette publique explose, une spirale entraîne inexorablement à la ruine la santé, l’école, l’industrie et jusqu’aux valeurs fondatrices de notre civilisation. Pendant ce temps, les idéologies broyeuses de vent se multiplient et se fanatisent, faisant ruisseler partout des animosités, et le personnel politique, prisonnier de lui-même, vaticine et cultive le hors-sol. Derrière ce spectacle, la ruine du système de confiances sur lequel notre société fonctionnait est peut-être l’élément le plus inquiétant du constat. Face à une irrésistible décadence de ce qu’ils avaient construits, les humains avancent de plus en plus dans la solitude d’un troupeau abandonné. Les plus protégés, notamment beaucoup de retraités de ma génération, sont dans le déni. « Mais non, les choses ne vont pas aussi mal ! Arrêtez votre délire ! » Lorsque l’on tombe du vingtième étage, tout va bien jusqu’à ce que l’on touche le sol.<span class="Apple-converted-space"> </span></p><p> </p><p>Pour prêcher la lucidité et l’anticipation, je ne promeus aucunement une attitude victimaire. Celle-ci est triste et stérile, quand elle ne conduit pas à l’auto-destruction. Individuellement comme ensemble, il nous faut défendre notre droit de remettre en question ce qui semble aller de soi et de tourner le dos résolument à ce qui ne nous convient pas. Il y a une autre histoire à vivre que celle de l’effondrement subi et des gémissements qui l’accompagnent: la transformation du chaos qui vient en un monde rajeuni. Ce monde a besoin de gens qui se libèrent. Pour cela, il faut nous protéger de l’influence des innombrables récits qui veulent nous détourner de nous-mêmes et nous dérober notre pouvoir. Il nous faut, à l’encontre des clivages qu’on essaye de nous vendre à tous les coins de rue, retrouver des récits fraternels.<span class="Apple-converted-space"> </span></p><p><em>Si nous ne pouvons pas grand chose à certaines catastrophes, nous pouvons au moins être fraternels. Ce sera mon voeu pour 2023.<span class="Apple-converted-space"> </span></em></p><p> </p><p> </p><p>* Terme utilisé dans les Approches narratives: il s’agit du processus par lequel nous coulons en une histoire signifiante un ensemble de faits.<span class="Apple-converted-space"> </span></p><p> </p><p>** Anastasia Colosimo, devenue depuis lors conseillère à la communication de l’actuel président de la République.<span class="Apple-converted-space"> </span></p>
Thierryhttp://capaularge.blogspirit.com/about.htmlLe défi essentiel 2/3tag:capaularge.blogspirit.com,2022-12-26:33253462022-12-27T09:36:14+01:002022-12-26T15:38:00+01:00 Pour la suite de mon propos, je vais changer de métaphore et...
<p> </p><p>Pour la suite de mon propos, je vais changer de métaphore et prendre celle de la semence. Nous arrivons tous dans le monde comme une graine dotée de caractéristiques spécifiques, qui se trouve projetée dans un écosystème singulier où elle s’efforcera de germer et de se développer. A cette fin, ce dont elle est composée va donc réagir à ce dont est composé cet environnement dans lequel elle choit. Ce qu’elle deviendra sera comme le produit d’un dialogue plus ou moins fécond entre son génotype et les stimuli, les ressources et les carences auxquels elle se frottera. S’agissant d’un végétal, germer, s’adapter, se développer est déjà un processus complexe si, dépassant la poésie, on veut l’observer du point de vue des interactions physico-chimiques. S’agissant d’un être humain, ce l’est encore bien davantage car il n’est pas seulement question d’un développement physique mais aussi psychique. Ce dernier, apportant son lot spécifique de besoins et de ressorts, procure de multiples manières de s’insérer dans la complexité de la société humaine. Il confère la capacité de se réinventer consciemment.<span class="Apple-converted-space"> </span></p><p> </p><p>Nous naissons donc avec de multiples potentialités dont la fertilisation, le développement, l’orientation ou l’inhibition dépendent des climats, des événements, des rencontres, des activités et des égrégores qui formeront notre écosystème. Au sein de celui-ci, ce qui nous compose tisse des liens privilégiés avec tels ou tels éléments. Chaque variété de plante a des besoins spécifiques et puise dans le sol tel élément et non tel autre afin de se produire. Ce processus, cependant, s’agissant de l’humain, n’est pas seulement mécanique, il reçoit l’influence de cette part mystérieuse d’énergie personnelle que nous appelons liberté. A l’âge de neuf ans, le futur compositeur Samuel Barber (1910-1981) écrivait ainsi à sa mère afin qu’on lui laissât vivre sa préférence pour la musique au détriment du ballon rond. Exercer un choix est une marque de la liberté. Cependant, cette liberté s’incarne-t-elle systématiquement ? Ma conviction est qu’elle peut n’être qu’une illusion. Ma liberté s’incarne-t-elle vraiment quand, par exemple, je suis sous influence et ne m’en défends pas ? S’incarne-t-elle quand je suis entraîné par des phénomènes collectifs comme le conformisme ou encore l’enthousiasme d’une foule ? Quand je suis submergé d’émotions telles que la peur ou la colère, ou la cible de ces manipulations de l’opinion dont les <em>spin doctors</em> ont maintenant le secret ? On me répondra que, dans tous les cas, que je renonce ou non à ma fonction critique, il s’agit bien d’un acte de décision. Renoncer à être libre peut être considéré en effet comme l’expression de ma liberté. Y aurait-il donc quelque chose au dessus de la liberté, dont elle dépend ?<span class="Apple-converted-space"> </span></p><p> </p><p>Saint Paul a écrit: « Je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas ». L’apôtre n’évoque pas des maladresses mais une division intérieure. Je ne prendrai qu’un aspect singulier de son constat: à voir le cours de certaines vies, on peut se demander s’il n’y a pas, parmi les potentialités que j’évoquais, celle de s’auto-détruire qui, de même que les autres, n’attendrait que les climats et les rencontres favorables pour s’actualiser. Je ne parle pas ici des existences marquées par la malchance, encore que l’on pourrait se poser des questions sur leurs mécanismes sous-jacents. Je parle de la véritable autodestruction, celle qui procède de l’intérieur de l’être: celle qui a besoin de la complicité de notre liberté. J’ai connu un homme qui, opéré d’un cancer du poumon qu’expliquait amplement sa tabagie, continuait de griller cigarette sur cigarette après le traitement qui lui avait sauvé la vie, et cela s’accompagnait d’une consommation d’alcool largement excessive. Son cancer s’est rallumé et il en est mort. Quand on fouillait un peu son histoire, on découvrait une amertume professionnelle qui avait elle-même pris les dimensions d’un cancer invasif. Il avait accepté une mutation dans une région que son épouse n’aimait pas. Il l’avait fait et elle l’avait accepté sur l’espoir d’une promotion qui ne vint pas et ils s’entretenaient ainsi tous les deux dans le dépit et l’amertume. Le rôle de victime est un piège redoutable. Endossé un jour sous le poids de certaines circonstances, il est difficile à abandonner car il donne corps à une combinaison fatale : celle du sentiment d’indignité que vient renforcer le sentiment d’impuissance, qui deviennent tous deux une composante de l’identité. « - Qui êtes-vous ? - Je suis celui qu’Untel a trahi ». Cela devient un jour "La vie m'a trahi" alors que c'est la vie qui a été trahie. </p><p> </p><p>L’auto-destruction est un cas extrême. Mais, même si c’est sans en mourir, perdre sa vie n’en est pas moins regrettable. Si les scénarios sont multiples, dans tous les cas il y a, à un moment, un assentiment de notre part à rester sur une voie erronée et, d’une certaine manière, à cultiver une identité faussée. Les raisons de ce choix peuvent être nombreuses et en partie légitimes, mais, en même temps, elles doivent rester révisables. Par exemple, vous découvrez que le métier pour lequel vous avez entamé des études ne vous plaît pas. Le dire à vos parents, à tous ceux à qui vous avez annoncé cette orientation revient, dans votre esprit, à une sorte de trahison et risque de vous ridiculiser. J’ai l’exemple d’un jeune homme qui, pour diverses raisons, probablement sentimentales, avait choisi l’option psychologie après le bac. Celui-ci obtenu, la cause de ce choix ayant peut-être disparu entre temps, ce fut comme si la terre s’ouvrait devant ses pieds. A notre époque, il vaut mieux parfois faire son <em>coming out</em> qu’avouer ce genre d’erreur. Heureusement, il a osé la dire quand il en était encore temps. L’université ayant voulu le lui faire payer - nos institutions aussi ont leurs mesquineries - il est allé faire ses études supérieures ailleurs et il est devenu un expert en commerce et communication électroniques - déjà, à l’époque, sa vraie passion. Il aurait pu s’enfermer dans son choix malheureux de peur d’être jugé et humilié, d’avoir à argumenter, peut-être de se fâcher avec sa famille. Au contraire, il a pris le risque de dire: « Je me suis trompé, je ne veux plus de cela ».<span class="Apple-converted-space"> </span></p><p> </p><p>Rompre une orientation en apparence solide peut se produire plus tard. Par exemple lorsque l’organisation qui nous emploie est reprise par d’autres mains, qu’elle change d’esprit, de priorités, de management. Ce que vous aviez aimé dans votre fonction, qui donnait du sens à votre investissement quotidien - la qualité de l’attention aux personnes, par exemple - est remplacé par une politique sèchement comptable. L’envie d’une rupture peut aussi provenir de la découverte subite en nous d’une potentialité dont jusque là nous avions peu ou prou ignoré l’existence. Un nouveau passe-temps peut ainsi produire l’effet papillon, devenir une vocation, un métier. Un évènement extérieur peut nous déstabiliser et nous faire apparaître d’autres façons d’être socialement utiles, comme ces spécialistes des algorithmes financiers qui, après la crise des <em>subprimes</em>, ayant mesuré la vanité de leur travail, ont décidé d’apprendre la permaculture. Quelquefois, aussi, il peut s’agir d’un lieu découvert à l’improviste et pour lequel, comme lors d’un coup de foudre, nous sommes prêts à tout quitter. On me dira que, face aux difficultés, il faut savoir serrer les dents et que ces « découvertes », ces « mutations », peuvent être illusoires, qu’un bon tiens vaut mieux que deux tu l’auras, etc. Que répondre ? De toute façon, la vie est une exploration des incertitudes. Ce que l’on appelle le « bon tiens » peut s’évanouir demain. En revanche, se contrefaire, mourir lentement d’ennui, ne pas tenter d’exprimer un talent, une passion, de vivre une aventure, n’est-ce pas faire à coup sûr de son existence un feuilleton sans intérêt que, plus le temps passe, moins on aura l’opportunité de réécrire ? Il est vrai que nous nous sommes souvent forgés des chaînes et que les habitudes les plus étouffantes ne sont pas toujours les nôtres mais celles que nous avons données à ceux qui nous entourent.</p><p> </p><p><em>(à suivre)</em></p>