Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Faire quelque chose que vous n’avez jamais fait 

Imprimer

Quelle est la dernière occasion que vous avez eue de faire une chose pour la première fois ? A quand remonte-t-elle ?

 

Quand nous venons au monde, d’évidence nous ne faisons que des choses que nous n’avons encore jamais faites. C’est une nécessité, il ne peut en être autrement. Puis, peu à peu, au fur et à mesure que nous avançons en âge, ces occasions se raréfient. Au point que, bientôt, notre vie n’est plus qu’un tissu de routines.  

 

Cela a un effet sur notre représentation du monde et de la vie: nous finissons par confondre cette représentation avec la réalité et, lorsque surviennent des difficultés, nous cherchons la solution dans le décor que nous connaissons, ce qui nous conduit à tourner en rond au seul contact des conditions qui ont engendré le problème. Or, c’est derrière l’écran de cette projection que se trouve l’immense réservoir des potentialités, celles du monde et celles que recèle notre propre personne. 

 

Dans The Truman Show, le personnage principal finit par découvrir qu’il baigne - que toute sa vie baigne - dans un décor factice, au milieu de gens qui jouent tous un rôle. En fait, il est à son insu le sujet d’une émission de télévision qui captive l’attention de milliards de téléspectateurs. A la fin, le doute s’étant insinué dans son esprit, il surmonte la peur de l’eau qu’on lui a inculquée afin qu’il ne s’éloigne pas de l’espace contrôlé par la production, il vole une barque et rame vers le large. Bientôt, la barque heurte l’horizon: une toile sur laquelle sont peints un faux ciel et de faux nuages. Derrière la toile, il découvre les coulisses de l’émission. Cette histoire reprend en le modernisant un thème que Platon a rendu célèbre: le mythe de la caverne. Nous sommes enchaînés dans une caverne, tournant le dos au jour extérieur, et nous essayons d’interpréter les ombres que l’on projette sur la paroi devant nous. La réalité, nous ne l’atteindrons que si nous nous libérons de nos chaînes et sortons de la caverne. 

 

L’école buissonnière

 

Dans ma précédente chronique, j’évoquais le rôle important du groupe et des sessions présencielles qui le réunissent pour générer les dynamiques que recherche le parcours Cap au Large. Cette fois-ci, je vais évoquer une autre pièce de son dispositif, qui se loge dans les inter-sessions. Ce que nous proposons à nos participants est, à chaque intersession, de faire une chose pour la première fois, une chose qui soit de l’ordre d’une exploration, d’une découverte. De soulever la toile de leur décor habituel pour faire une incursion dans le monde qu’elle leur cache. De ménager un tout petit espace dans le tissage serré de leurs routines de vie, de pensée et de perceptions. Nous appelons cette séquence « l’école buissonnière ». Il leur appartient, en toute liberté, de choisir le sujet de cette expérience: journée solitaire dans la nature, cours de cuisine, de permaculture ou de chinois, saut en parachute, conversation avec un SDF, etc. Nous ne leur demandons que de respecter trois critères: une pincée d’originalité, une petite pincée d’audace et une grosse pincée de plaisir. Ensuite, il est demandé à chacun de noter ce qu’il a ressenti, ce qu’il a découvert de lui à cette occasion, et les nouvelles envies qui ont pu naître de l’expérience.

 

Pourquoi faire quelque chose que l’on n’a jamais fait ?

 

Le parcours Cap au large compte huit sessions présencielles, donc sept intersessions. Lors de chacune de ces intersession, donc sept fois, chacun des participants devra initier une nouvelle expérience qu’il partagera ensuite avec son groupe - dans la mesure où il le souhaite, car il n’y a jamais de coercition. Nous plantons donc là les bases d’une nouvelle habitude, celle d’aller à la découverte, de chercher au delà de la lumière du lampadaire comme le dit une métaphore connue - de sortir de la caverne platonicienne. 

 

Cette découverte n’est pas seulement celles de choses, d’activités ou de gens. En vérité, ce qui est recherché, par le moyen de ces rencontres, est d’abord la découverte de soi-même. « Je ne savais pas que j’y trouverais autant de plaisir. » « Je pensais que ce serait plus difficile. » « Cela m’a donné l’envie d’approfondir. » « J’ai compris quelque chose. » Etc. Au contact des gens et des choses qui nous sont familiers, ne se montre de nous et à nous que notre moi connu. Nous avons besoin de conditions particulières pour qu’à travers le connu émerge du nouveau. Si une cartomancienne m’avait prédit quand j’avais trente ans qu’un jour je serais en charge de la formation des dirigeants au sein d’un banque, j’aurais haussé les épaules. Ne serait-ce que parce que je ne me voyais pas, au grand jamais, travailler dans une banque. Cet univers-là ne m'attirait pas du tout - et c'est une litote. Si, à la sortie de cette consultation, l’on m’avait demandé quelle crédibilité, en pourcentage, j’accordais à cette prédiction, j’aurais répondu : 0%. J’ai passé à ce poste dix-sept années de ma vie, dix-sept années passionnantes. Comment cela s’est-il fait ? Je pense que la curiosité a joué pour beaucoup, qui m’a incité à faire des rencontres, comme cela, sans arrière-pensée, sans autre projet que de découvrir. 

 

Parmi les autres choses que j’ai faites récemment pour la première fois, il y a le jardinage. D’excellents moments, assez décevants en termes de production pour ce qui est de l’an passé, mais d’excellent moments quand même, favorables au moins à la santé physique et mentale. Puis, il y eut la rencontre d’autres jardiniers ou « aspirants-jardiniers ». Puis, l’idée d’un jardin partagé entre amis. Puis l’idée de rejoindre le mouvement de François Rouillay: l’autonomie alimentaire locale. Faire une chose pour la première fois, c'est comme pousser une porte inconnue derrière laquelle d'autres portes seront peut-être à franchir les unes après les autres. Qui peut dire ce que l'on trouvera finalement, outre le plaisir de s'aventurer ?  

 

On s’est gaussé de la phrase qui disait de M. de Lapalice: « Un quart d’heure avant sa mort, il était encore en vie ». En vérité, elle signifie qu’un quart d’heure avant sa mort ce brave homme était encore plein d’énergie. Il y a une différence entre le fait physiologique d’être vivant et l’alacrité. Pour entretenir ou réveiller celle-ci, je me dis qu’une bonne règle serait de prendre la résolution de faire périodiquement une chose pour la première fois. 

 

PS: Dans ma dernière chronique, j’annonçais des dates de « dégustation » du parcours Cap au Large, en mai, à Paris et Lille. Notre animateur doit gérer un emploi du temps bousculé et nous attendons encore quelques jours avant d’arrêter le calendrier. Si vous êtes intéressé, vous pouvez vous faire connaître dès à présent : nous vous donnerons l’information dès que possible. 

Les commentaires sont fermés.