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Être auteur de soi

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« L’ important n’est pas ce qu’on a fait de nous, mais ce que nous faisons nous-même de ce qu’on a fait de nous ». Cette phrase de Sartre me rappelle ce que disait un intervenant en Analyse Transactionnelle. Il avait constaté qu'une dérive de certains patients engagé dans une démarche psychanalytique était de se décharger de soi-même sur les autres, sur les circonstances et le passé. Pour eux, l'anamnèse consistait à recenser toutes les influences extérieures - maléfiques évidemment - qui faisaient qu'ils ne s'appartenaient pas à eux-mêmes. Un autre effet de cette dérive était, disait notre intervenant, à chercher la clé de l'avenir dans le passé, de faire en permanence ce qu'il appelait "de l'archéologie". Personnellement, je trouve que la psychanalyse dans ses différents courants contribue à la compréhension que nous pouvons avoir de nous-même et je pense aussi que cette dérive existe et qu'elle peut nous détourner des moyens que nous avons de nous prendre en mains ici et maintenant.

« L’ important n’est pas ce qu’on a fait de nous, mais ce que nous faisons nous-même de ce qu’on a fait de nous »*. Par « ce qu’on a fait de nous », entendons notre façonnage culturel, ce que nous avons hérité de notre milieu social et de notre éducation: représentation du monde, de la vie et de la réussite, système de valeurs, croyances religieuses et politiques, jugements moraux, comportements, etc. Ce qu’on a fait de nous peut aussi inclure notre héritage biologique et ce que les accidents et les maladies ont pu nous apporter de limitations physiques, et, même dans ce registre, les déterminations peuvent être dépassées. On voit ce qu’il y a à la fois de subtil et d’ardu dans l’entreprise d’être auteur de soi. C’est subtil, car cette recherche de nous-même nous devons la conduire avec les conditionnements mentaux que nous voulons dépasser. C’est ardu, car nous sommes à la fois la matière, l’ouvrier et l’outil. 

A ces déterminations intérieures ou physiques s’ajoutent les contraintes extérieures que nous allons rencontrer au cours de notre vie, ce qu’on appelle « la force des choses ». Celle-ci peut non seulement nous contrarier dans nos projets, mais, plus subtilement, nous tendre des pièges, nous pousser sur la pente qu’a préparé notre façonnage culturel, jouer dans le sens des conditionnements qui, à notre insu, nous emprisonnent. Mais la force des choses est aussi comme le vent pour le navigateur. Certes, le vent peut jouer contre le cap que ce dernier a choisi, mais, sans lui, il ne peut avancer. De même, pas plus que nous ne pouvons agir sur certains évènements, le navigateur ne peut soumettre à sa volonté la direction du vent. Cependant, nous le savons tous, grâce à son habileté et à sa ténacité, il saura utiliser la voile et le gouvernail au point de pouvoir remonter au vent, c’est à dire avancer contre lui. Ce faisant, il avancera dans la direction qu’il a choisie tout en accroissant son expérience. Quand nous décidons d’être auteur de nous-même, nous pouvons faire de l’adversité le partenaire de notre auto-formation. 

Les obstacles à l’entreprise d’être soi sont le conformisme, le fatalisme et le sentiment d’impuissance. « Dans ma famille, on a toujours fait comme cela! » « J’ai été traumatisé par tel évènement, que voulez-vous que j’y fasse ? » «  Je n’y peux rien, je suis ainsi. » 

Cinq ingrédients sont nécessaires pour être auteur de soi: la foi dans notre liberté, la lucidité, des choix qui soient les nôtres, la volonté, la ténacité ou la constance. La foi en notre liberté ne se concrétise que dans l’exercice de notre volonté quand nous la mettons au service des choix que nous avons faits à la lumière de notre lucidité qui nous permet de distinguer les situations où nous sommes agis de celles où nous agissons. La ténacité fait qu’une faible inflexion du cap hérité de notre passé, mais maintenue jour après jour, finira par nous mener où nous l’avons décidé. 

 

* Jean-Paul Sartre, Saint Genet, comédien et martyr, 1952.

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