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Jouer de notre fluidité en résistant aux forces de liquéfaction

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Si je me souviens de mon enfance, les adultes me paraissaient alors être des personnes qui avaient trouvé leur chemin, à qui le doute était étranger. Par dessus tout, j'imaginais qu'être adulte était savoir qui l'on est et l’être tout simplement. Une fois la majorité atteinte et tout au long des années qui suivirent, j'eus le sentiment que savoir qui on est relève d'une illusion, que les adultes n'existent pas vraiment. Et que, finalement, ce n'est pas une mauvaise nouvelle. Que l'on peut même y inventer une nouvelle forme de sérénité pourvu que l'on accepte de jouer le jeu. Un de mes pertinents amis, Christian Mayeur, a partagé l'article dont vous trouverez ci-dessous le début suivi du lien pour le lire en entier. Selon l'auteur, « l’adulte » serait en voie d'extinction dans nos sociétés et l'immaturité, ou tout au moins quelque chose qui pourrait y ressembler, s’y généraliserait. Le constat et l'analyse proposés par l'article me parlent bien. L'enjeu me paraît être de jouer de notre fluidité en résistant aux forces de liquéfaction. Cela me conforte dans la conviction que mes parcours, en particulier celui qui donne son nom à ce blog, Cap au large, sont en phase avec les nouveaux besoins de l'humain d’aujourd’hui dans le monde tel qu'il est.

L'adulte immature
Jean-Pierre Boutinet

in Sciences Humaines

    
L'adulte a longtemps été considéré comme l'accomplissement de l'idéal humain. Mais depuis quelques décennies apparaît un adulte sans repères, en crise, que l'on pourrait même qualifier d'immature.

L'adulte n'est plus ce qu'il était. Depuis les années 60, il a subi bien des mutations. On magnifiait alors l'âge adulte comme la période signifiant la véritable entrée dans la vie, l'accomplissement de l'idéal humain. On se souvient à ce propos des célèbres ouvrages parus à l'époque, ceux de Carl Rogers aux Etats-Unis, celui de Georges Lapassade en France, qui conféraient à la vie adulte une perspective résolument optimiste et émancipatrice par rapport à la tutelle de l'enfance.

Un tiers de siècle plus tard, malgré les avancées spectaculaires des pratiques de scolarisation et de formation continue aux confins des années 1990-2000, le terme utilisé pour décrire l'adulte s'est métamorphosé de «personne» (chez C. Rogers) en «individu» chez Alain Ehrenberg ou Patrick Boulte.

Ce changement de vocabulaire révèle une évolution de signification : alors que la personne était intégrée dans un environnement social, l'individu est un être désocialisé, c'est-à-dire confiné à son propre isolement. Il est même qualifié d'individu incertain, ou en friches.

 

De l'adulte-étalon à l'adulte à problèmes

Ces cinquante dernières années, l'image de l'adulte s'est transformée en empruntant successivement trois états caractéristiques. Le passage de l'un à l'autre de ces états traduit des évolutions significatives de notre environnement social et de la place de l'adulte dans notre culture.

Jusque dans les années 50, l'adulte était la référence par rapport à laquelle se situaient les autres âges de la vie. Il s'agissait d'un adulte-étalon. Cet état illustrait une société à dominante rurale et traditionnelle, influencée par le jansénisme, le puritanisme et le moralisme républicain ; l'adulte-étalon était alors doublement étalon, à la fois représentant de la norme de l'ordre moral, et responsable de la reproduction des générations. L'adulte gardait une certaine permanence dans ses modes de vie malgré les changements qui apparaissaient dans son environnement. Il désirait incarner un idéal type, celui de la mère au foyer, de l'homme de métier, du professionnel spécialisé dans tel ou tel art, du prêtre, du militaire, de l'ingénieur. En s'identifiant à cet idéal type, il s'accomplissait et pouvait atteindre l'une ou l'autre forme de maturité.

Avec l'avènement des années 60, un nouveau modèle de vie adulte va rapidement s'imposer : celui de l'adulte en perspective. Les mutations techniques et culturelles génèrent avec elles le fameux fossé des générations, illustré en France par la crise de 1968. L'idéologie du changement aidant, l'adulte, dans la façon de se concevoir, modifie ses repères ; il ne se définit plus à travers l'une ou l'autre forme de maturité mais se considère en continuelle maturation ; le maître mot des psychologues anglo-saxons pour qualifier ce nouveau profil est celui de développement vocationnel : à travers les tâches qu'il réalise, que l'on appellera d'ailleurs des tâches vocationnelles, l'adulte se construit par ses projets de carrière, de formation, dans ses projets professionnels.

A partir des années 1975-1980, avec la crise de la société de progrès et la montée des précarités notamment liées au chômage, cet adulte en construction va vite laisser place à une nouvelle représentation de la vie adulte : l'adulte à problèmes. Si, dans les années 80, la civilisation continue ses avancées, elle introduit des changements qualitatifs qui vont brouiller les repères culturels ; l'adulte n'a plus l'impression de se construire à l'intérieur d'un cadre relativement stable ; il se sent perdu, confronté à sa propre solitude, en déficit d'action, en excès de responsabilités nouvelles à assumer, face à ses volontarismes qui se substituent bien souvent aux différents régulateurs institutionnels. Dans un environnement qui lui paraît trop complexe, il fait l'expérience de sa propre immaturité.

 

Pour lire l'article en entier : https://www.scienceshumaines.com/l-adulte-immature_fr_10638.html

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