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Cap au large - Page 3

  • Cette foule en nous

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    Il ne manque pas de témoignages qui mettent en évidence le fait que nous sommes intérieurement multiples. L’un des premiers est celui de saint Paul déclarant il y a près de deux-mille ans dans son épître aux Romains: « Je fais le mal que je ne veux pas et je ne fais pas le bien que je veux ». En posant l’existence de l’inconscient, la psychanalyse a acté l’existence d’une fracture radicale de notre psyché. Il y a en chacun de nous des forces qui échappent à notre conscience. 

     

    Vous avez un jour ou l’autre vu passer sur votre écran, car elle est très populaire, une autre expression de ce fait: l’anecdote des deux loups. Elle nous viendrait des Amérindiens. Un vieil homme explique à un enfant qui est en colère contre un de ses amis que chacun d’entre nous a en lui deux loups. Ces deux loups se livrent bataille afin de prendre possession de notre âme. L’un défend la sérénité, l’amour, la générosité; l’autre, l’avidité, la peur, la haine. « Lequel l’emporte-t-il ? » demande l’enfant. « Celui que tu nourris ».  

     

    Dans The Mythic Path*, Stanley Krippner et David Feinstein décrivent un autre cas de division intérieure. Ils racontent la cure d’une patiente que contrariait dans ses projets un aspect craintif de sa personnalité. Ecrivain, elle en avait fait un personnage peureux et effacé qu’elle avait surnommé « la bibliothécaire » et dont elle devait surmonter et se traîner les peurs dès qu’elle avait envie d’aventure. 

     

    Il est pénible de vivre en hébergeant chez soi une aventurière et sa colocataire froussarde, l’une toujours prête à boucler son sac de voyage tandis que l’autre freine des quatre fers, l’une et l’autre et l’une par l’autre alternativement frustrées évidemment. Il y a, dans les Approches narratives auxquelles je fais souvent référence, une recommandation puissante: honorer les résistances. En effet, nous avons une tendance instinctive à rejeter, à nier et accabler ce qui s’oppose à nos aspirations. Mais cela ne fait que durcir et enkyster cette opposition. Il est probable que la patiente de nos psychothérapeutes n’avait jamais entendu parler de cette approche, mais son intuition l’a guidée vers la solution: reconnaître le service que sa colocataire craintive veut lui rendre et considérer qu’il s’agit là en elle de l’expression de deux énergies complémentaires. 

     

    Intérieurement, nous serions donc bipolarisés, mais j’ai l’idée que, au moins à un certain niveau, nous pourrions être bien plus divers. Comme les graines en dormance dans le sol d'un jardin en friche, nous hébergeons des personnalités potentielles qui se développeront en fonction des variations de l’environnement, les unes jouissant pendant une saison de conditions stimulantes qui leur permettront de repousser les autres avant que les cartes soient rebattues par une nouvelle redistribution de l’espace. 

     

    L’environnement de nos âmes est fait des interactions que nous avons avec nos semblables - y compris ceux que nous n’abordons pas directement mais à travers les oeuvres qu’ils ont laissées - et les évènements qui surgissent sur notre chemin. Par exemple, du fait d’une attraction pour le monde animal, la photographie et le film, j’avais entre autres possibles celui de devenir un cinéaste animalier. J’ai finalement passé ma vie dans les bureaux. A la différence de quelques-uns de mes amis, je ne me suis pourtant heurté à aucun interdit: simplement - to make a long story short -  au moment opportun j’ai manqué de stimulants et de ressources. Peut-être aussi abritais-je également une bibliothécaire peureuse ! Cela ne m’a pas empêché d’accéder à une vie professionnelle où j’ai réalisé avec bonheur d’autres de mes possibles. Mais si j’avais passé mon existence caméra au poing dans la savane, la jungle ou le désert à filmer la vie sauvage - et à supposer que j’y aurais survécu - je serais évidemment différent de ce que je suis aujourd’hui. J’aurais peut-être même choisi de planter définitivement ma tente en Tanzanie, au milieu des éléphants. 

     

    Alors, quelles sont, dans le coin en friche de votre jardin intérieur, les plantes qui n’attendent qu’un coup d’arrosoir et un rayon de soleil pour se développer ? Que seraient pour elles l’eau et la lumière qu’elles attendent ? 

     

    * Stanley Krippner, David Feinstein, The Mythic Path, discovering the guiding stories of your past, creating a vision for your future, Putnam Book, 1997.

  • Le piège bienveillant

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    J’ai été un enfant puis un adolescent d’une extrême timidité. A l’école et au lycée, je ne craignais rien tant que d’être appelé au tableau. J’avais pourtant la chance d’être doté d’une excellente mémoire. Ce ne fut d’abord qu’un épisodique inconfort scolaire, mais, jeune adulte, je me suis très vite rendu compte que la peur est le premier des obstacles à nos plaisirs et à notre réalisation existentielle. Comme tous les timides, je pratiquais beaucoup l’introspection et j’observai ainsi ce que j’appellerais aujourd’hui le cycle de vie de mes désirs. Premier temps: je ressentais l’envie de faire quelque chose et je me rêvais en train de la faire. Deuxième temps: sous différents prétextes, je différais le moment de satisfaire cette envie. Troisième temps: dans la majorité des cas, l’envie s’évaporait. 

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  • Dessiner une porte

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    Vous avez peut-être déjà vu une séquence de dessin animé où un personnage dessine une porte sur un mur puis l’ouvre et la franchit. Parfois la vie ressemble à cela. La porte n’existe pas, il nous appartient de la dessiner. Je dis bien de la dessiner, car ce que nous appelons la réalité est une représentation de notre esprit et les portes à créer concernent cette représentation. Je viens d’en faire à nouveau personnellement l’expérience. 

     

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